Projections (2013/2015)

« À l’origine de mon désir de théâtre, il y a toujours une écriture forte, une poétique singulière : un(e) auteur(e) d’aujourd’hui qui cherche à faire entendre son point de vue sur le monde et à interroger les relations humaines.

J’appartiens à une génération d’artistes qui a vu s’opérer des évolutions technologiques majeures bouleversant nos modes de vie. Dès mes premières créations, j’ai cherché à intégrer ces médias et à utiliser ces technologies dans l’élaboration de ma poétique scénique et dans le développement de mon esthétique.

Le texte reste cependant l’élément déclencheur de mon processus de création théâtrale.

L’analyse fine, précise et pertinente de sa dramaturgie me permet d’en démêler les lignes de force et les problématiques. Cette étude définit mon parti pris de mise en scène : le prisme par lequel les spectateurs seront invités à découvrir et à entendre cette écriture singulière.

Puis – à l’image d’un chef d’orchestre – j’associe chacune des composantes de la scène – acteur, espace, lumière, son, vidéo – pour raconter l’histoire de la pièce. L’harmonie de cet ensemble tend à surprendre les spectateurs, à redéfinir le rapport scène/salle et à réinventer l’expérience théâtrale.

Cette dynamique d’élaboration d’une écriture de plateau – qui se fonde aussi bien sur le texte et les acteurs que sur les éléments techniques de la scène – m’apparaît aujourd’hui comme un des axes essentiels du renouveau des modes de représentations théâtrales.

Pour faire entendre la singularité des écritures d’Elfriede Jelinek, Jean-Luc Lagarce, Alberto Moravia, Christophe Pellet et Mariette Navarro, j’ai choisi d’affirmer des parti-pris de mise en scène singuliers.

Soit par la création de dispositifs scénographiques innovants comme « le bi-frontal à casques » imaginé pour L’amour conjugal (Moravia) ou le « parcours immersif pour un seul spectateur dans une remorque de poids lourd » inventé pour Un doux reniement (Pellet). Soit par le recours aux arts numériques pour démultiplier les potentialités du plateau dans un rapport frontal (Jelinek, Lagarce, Pellet). Mais j’ai également développé un dispositif techniquement plus « léger » qui se déploie dans n’importe quel espace intérieur pour Prodiges® (Mariette Navarro).

Mes prochaines créations s’inscrivent dans cette recherche d’un théâtre immersif à la portée de tous.

À travers trois textes inédits de Gustave Akakpo (commande du CG 93), de Marius von Mayenburg (commande de traduction) et de Fabrice Melquiot (dernière pièce éditée), je souhaite ouvrir un espace de réflexion sur les thématiques de l’adolescence, de l’éducation et du fanatisme.

Dans chacune de ces pièces, l’action se déroule dans un établissement scolaire : Même les chevaliers tombent dans l’oubli dans une école élémentaire, Martyr dans un lycée et Days of nothing dans un collège. Cet heureux hasard nous incitera à trouver des réponses scénographiques différentes pour chaque cas, mais également à observer les similitudes architecturales constitutives de ces espaces de formation – que l’on pourrait regrouper sous le terme empirique « d’école ».

Chacun des auteurs porte son regard poétique sur le devenir potentiel d’un être humain à ces âges de la vie où la rencontre avec l’altérité peut se révéler décisive pour son développement personnel. Cette rencontre peut avoir lieu au sein de l’école : dans cet espace public qui vient rompre avec la sphère privée de la famille nucléaire.

Les spectateurs seront invités à prendre activement part à chacune des représentations et à se forger leur propre opinion en fonction de chacun des points de vue qui s’affronteront sur le plateau. Le théâtre demeure plus que jamais un espace-temps privilégié où se trouvent réunies toutes les conditions d’un échange intergénérationnel autour des enjeux majeurs de notre société. »


Janv. 2013